À l’exception de quelques pionniers, ce ne sont pas vraiment les professionnels de l’événementiel qui font évoluer le marché. Au contraire. Comme je l’expliquais dans mon dernier billet, notre secteur est même plutôt frileux quand il s’agit de changer ses habitudes. Par confort, ou par peur de perdre nos clients, on préfère souvent jouer la sécurité plutôt que d’innover réellement. Sauf que la « Gen Z » vient bousculer cette tranquillité. Elle s’est pris le Covid en pleine poire (expression bien millenial, j’assume), et les dégâts sont sévères… surtout pour nous !
Les générations Y et Z ne sont plus de simples catégories marketing pour décorer un PowerPoint. Aujourd’hui, ce sont des consommateurs, des collaborateurs, des bénévoles ; bref, un public à part entière avec des attentes claires. Première claque : selon l’étude Deloitte 2024, 62 % des jeunes adultes placent les enjeux environnementaux au cœur de leurs préoccupations, soit environ dix fois plus que la génération précédente.
Cette évolution est loin d’être anodine. Alors que leurs aînés se satisfaisaient facilement d’un bel « effet wow » (oui, toujours ces fameux feux d’artifice…), les jeunes exigent du concret, devant comme derrière le rideau. Ils questionnent tout : origine des produits, gestion des déchets, scénographie durable, mais aussi le sens profond des événements auxquels ils participent. Et ne les prends surtout pas pour des naïfs ; s’ils décèlent une incohérence, ils peuvent mobiliser en quelques clics une armée numérique capable d’anéantir ta réputation à coup d’avis Google bien sentis. Mieux vaut éviter de leur donner raison.
Pourquoi sont-ils si méchants ? (Parce queeeeeee !)
Je sens déjà venir la cavalerie des nostalgiques râleurs : « critiquer derrière un écran, c’est facile », « les jeunes ne veulent plus bosser mais ils ont un avis sur tout », « on verra bien quand ils seront dans la vraie vie du travail ». Sauf que, ces mêmes jeunes deviendront très vite nos clients, nos partenaires, voire même nos managers. Sans compter qu’ils financeront bientôt notre AVS — mais ça, c’est un autre débat. Plutôt que de râler, on ferait mieux de les écouter. Ils ne sont pas méchants, juste plus exigeants.
Soyons lucides : après des décennies à se regarder le nombril, l’événementiel est clairement en retard. Beaucoup trop d’événements misent encore sur le spectaculaire au détriment de l’impact réel. Scénographies jetables, buffets industriels, déplacements inutiles… Tout cela persiste par réflexe ou par facilité. Le vrai problème ? Nous n’avons jamais pris le temps d’écouter réellement cette génération qui, il est vrai, n’offre pas de transition en douceur mais impose un abrupt « adapte-toi ou disparais ». Leur urgence est celle de la planète, de la biodiversité, des équilibres sociaux et géopolitiques, et ils ne patienteront pas tranquillement en attendant que nous soyons prêts.
Mais alors, concrètement, ils veulent quoi ?
La génération Z ne cherche pas à tout casser gratuitement. Elle attend des changements concrets, réalistes et immédiatement visibles. Typiquement, ils veulent de la transparence sur l’origine des produits, une restauration qui privilégie le local, le végétal et qui évite le gaspillage. Ils attendent qu’on leur propose des transports collectifs encouragés plutôt que des parkings gratuits. Ils sont prêts à accepter une scénographie plus sobre, mais veulent comprendre pourquoi elle l’est : choix de matériaux durables, réemploi, réduction des déchets. Ils apprécient les espaces d’échange et les temps forts authentiques, où les discours marketing laissent place à des discussions ouvertes, voire critiques, sur les valeurs de l’entreprise et son impact réel. Enfin, ils exigent une cohérence totale entre ce que l’événement annonce et ce qu’il réalise. Et franchement, tout cela est parfaitement faisable. Il suffit juste de faire des choix clairs.
L’événementiel ne va pas adopter la durabilité par idéalisme ou pour faire plaisir à quelques activistes. Il va le faire parce qu’il n’a plus le choix. Le public a changé définitivement, et ignorer ses attentes reviendrait à se condamner à devenir ringard, voire totalement inaudible. Autrement dit : la durabilité n’est plus un bonus, elle devient indispensable pour fidéliser les publics.
C’est là qu’il faut être malin : intégrer la durabilité n’est plus une prise de risque, c’est désormais une stratégie gagnante à moyen terme. Ceux qui trainent des pieds seront rapidement distancés. D’ailleurs, les grandes entreprises commencent déjà à imposer des critères environnementaux précis à leurs prestataires événementiels. La législation va dans ce sens également. Bref, on l’a compris : on n’a plus vraiment le choix.
La balle est dans notre camp
La bonne nouvelle ? Cette transition peut être passionnante. Elle nous pousse à créer différemment, à repenser les formats et à imaginer de nouvelles manières de faire vivre une expérience. Oui, c’est compliqué au début. Oui, ça demande du courage et beaucoup de pédagogie envers des clients habitués aux « grands classiques ». Mais franchement, quitte à bosser dans l’événementiel, autant saisir cette chance de réinventer le métier.
Parce que faire comme avant, ce n’est plus seulement dépassé. C’est désormais dangereux. Et la génération qui arrive ne va pas attendre gentiment que nous soyons prêts.