Les entreprises suisses sont généralement plutôt enclines à organiser des événements. Que ce soit dans le but de renforcer la cohésion interne, fidéliser des clients ou marquer des moments clés, les rassemblements font souvent partie intégrante de leur stratégie de communication globale et ce, depuis belle lurette! Et avec un certain succès d’ailleurs.
Parallèlement, au fil des ans, la prise de conscience environnementale et sociale modifie profondément les attentes des divers publics, poussant ces mêmes entreprises à investir de manière massive dans des politiques RSE bienvenues, qu’elles soient forcées ou menées de bon gré. Mais que se passe-t-il lorsqu’il s’agit d’aligner une politique de communication événementielle et les valeurs de durabilité?
Attentes du public : la pression monte
En mars 2024, une étude diligentée par le cabinet Deloitte confirme une tendance en hausse : 66% des Suisses estiment que la responsabilité de rendre le pays plus durable incombe aux entreprises. Plus de la moitié des sondés déclarent même être prêts à modifier leurs habitudes de consommation si leur marque favorite ne respecte pas ses engagements environnementaux. Un exemple parfait du fameux « triangle de l’inaction »? Pas sûr.
De nombreux entrepreneurs et entrepreneuses ont depuis longtemps senti le vent tourner. Politiques de transports, chaînes d’approvisionnement ou processus industriels sont régulièrement repensés pour répondre aux défis écologiques. Si la Suisse est régulièrement saluée pour les initiatives de son industrie en faveur de l’écologie, c’est avant tout grâce à eux.
Événements : les oubliés de la durabilité
En parlant de vent, remettons l’éolienne au milieu du village. Si l’on s’attarde sur ces nouvelles démarches en faveur de l’environnement, il apparaît clairement que certains domaines restent encore les oubliés de la transition écologique. En effet, les célébrations professionnelles, pourtant lien direct entre l’entreprise et ses publics, font souvent exception. Lorsqu’il s’agit d’activités hors du bureau, les lignes de conduite éco-responsables, inlassablement martelées de 8h00 à 18h00, se retrouvent souvent noyées au fond des verres.
Les objections à l’organisation de manifestations plus durables sont presque toujours les mêmes et — oh surprise — la question du budget s’érige en premier rempart. Nous savons que les événements d’entreprise sont généralement financés par les budgets marketing ou communication, souvent les premiers à être réduits en période économique tendue. Ajoutons à cela l’idée bien ancrée que l’événementiel durable coûte plus cher, et l’on obtient ainsi une excuse toute trouvée. Pourtant, une analyse un peu plus poussée suffirait à démontrer que certaines solutions n’engendrent aucun surcoût et peuvent même s’avérer plus rentables à long terme.
Un autre facteur, plus discrètement évoqué, mais tout aussi déterminant, touche à l’expérience vécue. Un événement est bien plus qu’un simple rassemblement : il représente une vitrine pour l’entreprise. Lorsqu’un moment festif sert à marquer un succès ou à impressionner un public, il peut être difficile d’abandonner certains aspects spectaculaires, même si leur impact environnemental est discutable. L’idée, pour le moins limitante et parfaitement inexacte, selon laquelle réduire l’empreinte écologique d’un événement puisse en altérer la qualité ou l’attractivité, persiste encore, alors que les attentes du public évoluent dans le sens inverse.
“Ah, ce feu d’artifice, c’était quand même magnifique…” Oui, c’est vrai. Mais est-ce que ça valait le coup de saccager sa politique RSE?
S’adapter ou brouiller son message
Cette approche me semble contre-productive. En négligeant la durabilité dans l’organisation d’événements, une entreprise s’éloigne de facto des attentes de son public, créant ainsi une distance avec lui et acceptant, à terme, un risque réel pour son image. Ce que l’on doit comprendre ici, c’est que l’intégration de pratiques durables dans la chaîne de valeur ne suffit pas à garantir une véritable stratégie de durabilité. Une marque qui communique sur son engagement écologique tout en organisant une convention annuelle avec des buffets de produits importés et une décoration jetable envoie un message contradictoire. Ce genre d’incohérence ne passe plus inaperçu, d’autant que le public, tout comme les médias, se montrent de plus en plus attentifs à ces dissonances.
Besoin d’une preuve ? Toujours selon Deloitte, 84 % des consommateurs affirment être plus enclins à soutenir une entreprise dont les pratiques sont clairement alignées avec sa politique RSE. Pour être crédible, cet alignement doit donc s’appliquer à l’ensemble des actions de l’entreprise, y compris celles qui, sur le papier, semblent plus anodines. Un simple exercice de cohérence en somme.